Mesdames et Messieurs les représentants des corps professionnels, des Ordres médicaux, des structures représentatives professionnelles,
Mesdames et Messieurs
Collègues et Amis

Pour la quatrième fois, j’ai l’honneur aujourd’hui de vous présenter les vœux de l’Ordre national des médecins à l’aube de cette nouvelle année. Permettez-moi ce soir de jeter un regard avec vous sur l’année 2016.

Je vous disais, en début d’année dernière, que l’Ordre imposerait en 2016 le débat sur l’organisation du système de soins.

Dès le mois d’août, nous avons affirmé que la santé des français ne devait pas être l’oubliée de 2017 et que professionnels et patients sauraient l’imposer.

Les débats politiques récents confirment ce fait et soulignent l’inquiétude et l’extrême sensibilité citoyenne sur ces sujets. Il faudra que les candidats et leur soutien s’en souviennent dans les débats à venir et nous en resterons l’aiguillon car l’ambition des professionnels de santé à voir se construire un nouveau système de santé est très forte.

2016 a été un temps d’écoute et de débat, 2017 sera pour l’Ordre le temps de l’action.

Le constat que nous faisons aujourd’hui de la situation de notre système de santé n’a pas changé et la responsabilité des acteurs politiques, de droite et de gauche, depuis trois décennies, est totalement engagée.

En se refusant à toute réforme de fond du système, en colmatant des brèches pour répondre à l’injonction d’une vision d’équilibre économique, en amenant notre système vers une hyper-administration centralisatrice et déconnectée des territoires, celui-ci s’éloigne de son objectif : donner un accès aux soins équitable dans les territoires, pertinent dans les soins, utilisateur des nouvelles technologies et coopératif entre les différents secteurs d’activité.

Aujourd’hui, 95 % des médecins et 87 % des patients appellent de leurs vœux une réforme en profondeur de notre système de santé.

98 % des médecins attendent de retrouver le temps du soin.

Il y a, dans notre pays, une illusion collective sur le bon fonctionnement de ce système. Pourtant celui-ci ne tient que parce que les professionnels de santé le portent à bout de bras et je veux leur rendre un hommage profond, les médecins et les professionnels de santé sont aujourd’hui, comme les enseignants, les forces de police, l’armée, les piliers du principe de bientraitance républicaine, de fraternité et de solidarité et il faut que tous s’en souviennent et que nos ministres s’en imprègnent. Si les économistes avaient eu raison depuis 30 ans, nous n’en serions pas là ! Il est temps que la parole soit redonnée aux professionnels et aux patients.

Parce que 2017 est une année cruciale, année électorale, année de débats, de propositions, le temps est venu pour l’Ordre de proposer la réforme globale, concertée et partagée, voulue par les médecins. Ceux-ci, dans la grande consultation, nous l’ont demandé.

Dans la suite de celle-ci, nous avons recensé les initiatives des territoires visant à renforcer l’accès aux soins. Le rapport du Dr ARNAULT sera publié dès février, il y a des solutions et elles sont des solutions de territoires, de projets médicaux, de démocratie sanitaire, de dialogue politique citoyen et professionnel.

Les déserts de la République, qui ne sont pas que médicaux, ne sont pas une fatalité dès lors que l’on a la volonté commune d’y apporter une solution concrète.

Ces solutions ne peuvent se résumer à la seule contrainte à l’installation des libéraux car l’accès aux soins dans un territoire est affaire de coopération et de complémentarité entre les acteurs. Ce sont donc des solutions multiples, concertées et pensées, par tous les acteurs politiques, professionnels et usagers qui seront déterminantes. Il n’y a pas de modèle unique qui, décidé nationalement, se déclinerait sur tous les territoires. Les expériences qui réussissent aujourd’hui sont sous-tendues par un projet médical de territoires porté par les professionnels de santé.

Nous proposerons donc, dans le débat en cours et qui va s’amplifier, de contribuer à l’émergence d’une vraie réforme du système de santé, basée sur les territoires, portée par les structures professionnelles et les usagers, rendue possible par les décloisonnements des exercices et des activités.

Quatre grands principes pour l’Ordre guideront ce projet :

  • Libérer les initiatives ;
  • Décentraliser les décisions ;
  • Simplifier les exercices;
  • Garantir l’accès aux soins, la compétence des professionnels, la pertinence, l’efficience et la qualité des soins.

L’objectif est de créer un électrochoc territorial pour reconstruire le système de soins, de proximité et cette réponse d’excellence que nous voulons préserver avec les hôpitaux et les établissements privés.

Nous aborderons, lors de la conférence de presse du mardi 7 février, cette présentation de la plateforme ordinale voulue par les médecins.

L’année 2016 a été par ailleurs une année de présence et d’interventions.

Nous avions dit en 2015 que l’Ordre ne lâcherait rien dans la mise en œuvre de la loi de modernisation et nous l’avons fait. Nous avions dit que nous nous battrions dans le cadre de la loi travail et nous l’avons fait.

La loi de modernisation reste pour l’Ordre un texte inabouti et nous avons agi pour que les textes réglementaires complémentaires en limitent les effets négatifs.

La loi travail est un texte réduisant les chances des salariés en médecine de prévention et du travail, nous avons agi en proposant des amendements et défendons aujourd’hui les services de médecine du travail.

De même, nous travaillons avec les représentations des médecins du travail pour garantir, dès lors que ceux-ci s’inscrivent dans la déontologie, leur indépendance vis-à-vis de l’employeur.

Nous avons dit que le tiers-payant obligatoire et généralisé était une erreur. Le conseil constitutionnel a entendu cet argument en faisant disparaitre l’obligation vers les complémentaires ; reste aujourd’hui que, comme nous l’avions dit, les conditions de sa mise en œuvre, à marche forcée, pour des raisons politiciennes, n’apporte pas de réponses aux inquiétudes légitimes des professionnels et n’apporte pas, en l’état, une réponse aux problèmes de l’accès aux soins.

Nous avons contribué au rejet du conventionnement sélectif à la fois à l’Assemblée nationale lors de la proposition Le Houerou issue de la majorité, ainsi qu’au Sénat avec un amendement issu de l’opposition.

Nous venons d’obtenir que nos exigences sur la transparence soient bien inscrites dans le décret paru fin décembre et l’ordonnance en cours de validation. Néanmoins, nous ferons recours au Conseil d’Etat sur la convention unique qui restreint, à notre sens, le champ d’application de la loi.

Notre action sur la fin de vie nous a amenés à garantir les patients et les droits que la loi leur apporte mais aussi les professionnels dans les protocoles qu’ils auront à appliquer pour suivre les demandes des patients et les articles 36,37 et 38 du code de déontologie apportent aujourd’hui les réponses aux questions des professionnels. Nous avions dit que nous ne laisserions pas franchir la barrière qui autoriserait un professionnel à mettre fin à une vie et nous avons tenu.

En matière de vie professionnelle, nous avons été et sommes présents sur tous les terrains. Sur la convention médicale d’une part et, d’autre part, sur la mise en œuvre des GHT. Notre action de terrain, comme nationale, porte ses fruits. Ce ne sont pas des textes technocratiques qui apporteront des réponses concrètes aux questions qui se posent.

Enfin, aujourd’hui, et je veux le dire devant vous, nous n’accepterons pas que, faute d’anticipation, les médecins soient désignés comme responsables de la situation épidémique que nous traversons et des drames humains qu’elle entraîne, je veux parler de la grippe bien sûr. Si les urgences sont débordées posons-nous la question de l’aval, donc la disponibilité des lits, qu’il faut gérer.

Si les vaccinations sont insuffisantes sur notre territoire c’est qu’à trop atermoyer depuis 10 ans, les gouvernements ont laissé s’ancrer le doute.

Il faut aujourd’hui affirmer courageusement que la vaccination est une obligation de protection collective et individuelle, que dans le cadre de la grippe les professionnels de santé doivent être obligatoirement vaccinés, que les personnes hébergées en milieu collectif doivent répondre à une exigibilité vaccinale.

Nous prenons nos responsabilités en l’affirmant. Nous les prenons, en agissant disciplinairement, et souvent bien seuls, contre ceux qui contribuent à ce recul vaccinal. À l’Etat aujourd’hui de prendre ses responsabilités devant la Nation et les citoyens.

D’autres sujets nous mobilisent :

  • Les violences, et nous avons obtenu du Ministre de l’Intérieur des avancées significatives sur la généralisation des expérimentations qui donnent des résultats sur le terrain ;
  • Le médecin face à des patients en voie de radicalisation ou promoteur d’actions présentant un risque collectif et nous allons valider en session un rapport permettant de donner une vision et des conseils pratiques en février 2017 ;
  • Le risque majeur et la catastrophe sanitaire attendus à Mayotte, où nous avons conduit une mission fin 2016 qui rendra son rapport avant fin mars.
  • Enfin, les nouveaux usages du numérique dans la santé et nous avons publié un rapport, sous l’autorité de Jacques Lucas, salué par tous, pour accompagner les professionnels.

Ce constat d’une présence constante sur le territoire n’est possible que parce que les médecins inscrits au tableau garantissent notre indépendance comme nous garantissons la leur dans leur exercice.

L’institution va donc poursuivre cette année les rencontres avec les médecins dans les territoires, sur les premiers mois de l’année, pour continuer de les entendre.

Nous allons ouvrir un site dédié pour que les médecins puissent sélectionner les questions qu’ils veulent poser aux candidats à la Présidence de la République. Nous allons demander à ceux-ci de répondre à ces questions et, dans les territoires, les conseils départementaux feront de même avec les candidats aux élections législatives.

L’institution va poursuivre sa modernisation :

  • Dématérialisation est un mot prioritaire pour l’année qui se présente.
  • Ouverture d’un « coffre-fort médecin » électronique pour chaque médecin inscrit à l’Ordre dans lequel tous les documents de son parcours pourront être archivés et accessibles uniquement pour ce médecin.
  • Changement d’adresse : en se séparant des trois adresses actuelles, 170, 178 et 180 boulevard Haussmann pour se déplacer en un site unique, rue Léon Jost, et ceci sans que la cotisation ordinale ne soit impactée grâce à l’optimisation budgétaire due au passage de trois sites d’activité à un seul, et de la prudence de nos prédécesseurs qui nous ont permis de réaliser une opération immobilière à coût zéro pour les médecins.

Au terme de cette intervention longue, trop longue, je veux remercier :

  • Tous nos collaborateurs, 120 au Conseil national, plus de 600 sur le territoire national,
  • tous les élus, 52 au Conseil national, plus de 3 800 sur tous les territoires,
  • tous les médecins inscrits au tableau de l’Ordre et tous les futurs médecins, car ils sont les acteurs du bien-être et de la sécurité de la population.

À ceux qui doutent, je leur dis, il n’y aura pas en France de médecine sans médecin et tant qu’il y aura un médecin, il y aura un Ordre des médecins qui agira pour que son rôle soit reconnu et respecté car il y aura toujours un patient qui, quels que soient son origine et son environnement, cherchera dans les yeux, dans la voix, dans le savoir d’un médecin, la réponse.

Bonne année à tous.

CNOM_voeux_2017_ Discours du Dr. Patrick Bouet