Le CNOM appelle au lancement d’une nouvelle concertation publique avant l’inscription du projet de loi à l’ordre du jour du parlement
Le Conseil national de l’ordre des médecins, après en avoir délibéré en session exceptionnelle le 6 novembre 2014, a confirmé à l’unanimité que le projet de loi santé n’était pas acceptable en l’état. Il regrette que le texte présenté n’apporte pas les réponses aux problèmes rencontrés par les médecins dans leur pratique, ni aux attentes des usagers dans les territoires, et propose une vision très administrative de l’organisation des soins.
Le CNOM, qui déplore que le texte ne reprenne pas les éléments de la concertation initiale, demande à ce que le projet de loi fasse l’objet d’une nouvelle concertation avant d’être inscrit à l’ordre du jour des assemblées parlementaires. Cette concertation doit être menée rapidement entre les services du ministère de la Santé, les organisations professionnelles et ordinales des professions de santé, des établissements de santé et des établissements médico-sociaux et les usagers.
Patrick Bouet, Président du Conseil National de l’Ordre des Médecins souligne que le Conseil national considère que “Le système de santé et l’organisation des soins demandent aujourd’hui une réforme profonde. Si la stratégie nationale de santé, lancée par le gouvernement début 2013, promettait des avancées nécessaires, le résultat n’est pas à la hauteur des attentes.”
Le CNOM a formulé plusieurs observations sur le projet de loi (ci-dessous). Elles ont été traduites dans de très nombreuses propositions de rédaction concrètes d’amendements ou d’articles additionnels ayant pour objectif une réécriture du projet de loi. D’autres observations et propositions d’amendements ou articles additionnels suivront.
Les observations du CNOM sur le projet de loi Santé
1. La politique nationale de santé doit garantir aux citoyens un égal accès aux soins, quels que soient leur lieu de résidence sur le territoire national et les ressources dont ils disposent. Les organismes gestionnaires des régimes d’assurance maladie qui concourent à la mise en œuvre de la politique de santé définie par l’Etat doivent le faire dans le cadre conventionnel passé entre l’assurance maladie et les organisations professionnelles représentatives. Les dispositions de cette convention doivent s’appliquer sur l’ensemble des territoires de santé.
2. La qualité des services rendus et l’accès aux soins par bassin de vie et territoires de santé imposent que les secteurs de l’hospitalisation – qu’ils soient de droit privé ou de droit public – et le secteur de la médecine ambulatoire soient coordonnés et complémentaires. Cette coordination et cette complémentarité ne peut résulter que de l’analyse préalable des situations réelles. Cela est intrinsèquement contraire à une planification étatique prédéterminée de ce qui doit être.
3. La qualité de ces services, et le libre choix par les usagers des médecins et professionnels de santé, ne peuvent pas conduire à placer sur un territoire de santé le secteur de l’hospitalisation privée et l’exercice ambulatoire de la médecine libérale sous la tutelle purement administrative de l’ARS. Il suit de cela que le schéma régional de santé ne peut être arrêté sans la consultation publique préalable de leurs organisations représentatives.
4. De la même manière, en ce qui concerne les groupements hospitaliers de territoire et la gouvernance des établissements publics, en matière de soins aux populations, les médecins et professionnels de santé qui exercent dans ces établissements doivent être consultés en amont de la préparation des orientations envisagées par les chefs d’établissements et la direction de l’ARS.
5. La démocratie sanitaire ne doit pas être un vain mot quand il s’agit de la sécurité sanitaire et de l’équité dans l’accès aux soins. Elle doit se fonder sur la consultation obligatoire des organisations représentatives et ordinales des professionnels de santé et celles des usagers dans les décisions structurantes des directions des ARS.
6. La qualité de ces services impose également que les cœurs des métiers des médecins et ceux des autres professionnels de santé soient clairement identifiés par les usagers, non seulement dans le premier recours aux soins, mais également dans le second recours ainsi que dans l’assistance des professionnels des services médico-sociaux et sociaux à la bonne prise en charge des patients, des personnes âgées, de la dépendance et du handicap.
7. Les évolutions de pratiques professionnelles ne doivent pas conduire à transférer des actes médicaux vers d’autres professionnels sans une analyse soigneuse des conséquences que cela entraine. Au préalable, une concertation doit avoir lieu d’une part sur les référentiels métiers, seuls à même de stabiliser les cursus de formation diplômante, et d’autre part avec les organisations représentatives et ordinales des professions en raison des conséquences organisationnelles, économiques, juridiques et déontologiques que cela entrainerait.
8. La qualité de ces services impose de défendre l’indépendance éthique et déontologique des médecins et des autres professionnels de santé dans leurs exercices près des patients, quels que soient les secteurs de soins dans lesquels ils exercent. Elle impose également un droit à l’accompagnement des patients et au libre choix des usagers.
9. La qualité de ces services suppose que les médecins puissent se concentrer sur la pratique médicale diagnostique, thérapeutique, préventive et d’accompagnement. Un ensemble de tâches administratives, ou de contrôles, qui se sont accumulés autour de cette pratique doit être fondamentalement simplifié. De la même manière, le statut des médecins lorsqu’ils effectuent des missions de service public doit être précisé avec les protections sociales et juridiques qui doivent y être associées.
10. La qualité de ces services suppose que les modes de rémunération des médecins, de droit public ou privé, ne comportent pas d’exigences de rendement ni de soumission aux exigences des organismes payeurs. Cette position de l’Ordre national des médecins n’est pas contraire au versement des honoraires aux médecins libéraux par un tiers payeur, à la condition que ce mode de rémunération ne soit pas celui d’un assujettissement obligatoire, hormis les situations de dispense d’avance de frais pour des affections de longue durée, pour des bénéficiaires de droits sociaux, pour les soins relevant de l’urgence.
11. La qualité de ces services demande que le service public d’informations en santé prévu par le projet de loi soit un service transparent pour l’usager, qu’il informe sur la totalité des offres de soins ou de prise en charge médico-sociale sur les bassins de vie et territoires de santé, sans en privilégier aucune dans la présentation des informations.
12. La qualité de ces services impose que les informations nécessaires à la continuité des parcours de soins, tant dans les secteurs de l’hospitalisation que dans le secteur ambulatoire et entre ces deux secteurs, puissent être échangées ou partagées selon les cas entre les professionnels qui constituent d’une part l’équipe de soins et d’autre part l’équipe médico- sociale lorsque cela est nécessaire. Ces échanges et ces partages doivent, d’une part, respecter impérativement la volonté librement exprimée du patient et, d’autre part, garantir le caractère secret des informations qui ne doivent pas être accessibles en dehors de ces équipes de professionnels autorisés par le patient.
13. La démocratie sanitaire suppose, de surcroit, que les bases de données à partir desquelles peuvent être prises des décisions de politiques publiques puissent être rendues accessibles aux organisations représentatives dans une logique démocratique d’open data. Le potentiel de recherche en santé publique contenu dans ces bases doit également être facilité, sous les garanties de l’intérêt collectif et scientifique et les réserves attachées à la protection des citoyens lorsque ces données pourraient être directement ou indirectement nominatives. Une instance indépendante doit être qualifiée pour assurer cette gouvernance de l’open data. L’Institut des données de santé en représente une bonne configuration compte tenu de sa composition sous réserve de son élargissement.
14. Les moyens numériques mis à la disposition des usagers, des médecins et des professionnels de santé doivent garantir la protection de la stricte confidentialité des informations qu’ils véhiculent, qu’ils hébergent et auxquelles les personnes strictement habilitées par le patient peuvent avoir accès.
15. La loi doit affirmer dans un titre spécifique le renforcement de la prévention des conflits d’intérêt.
Pour en savoir plus :
• Contact Presse : Evelyne Acchiardi – 01 53 89 32 80
• Communiqué de presse du CNOM