Que dit le décret renforçant le contrôle des prescriptions médicales ?
Paru au Journal Officiel le 30 octobre 2024, un décret impose au médecin de justifier la prescription de certains médicaments.
Le décryptage du Dr Sandrine Duranton, Présidente du CDOM 95.
Que dit ce nouveau décret ?
Il impose aux médecins de remplir un formulaire qui sera disponible sur le site AMELi pro pour justifier la prescription de certains médicaments. Il s’agira d’un formulaire en ligne en trois questions à renseigner concomitamment à la prescription du médicament, que le médecin devra imprimer et joindre à l’ordonnance. Ce document permet de vérifier que le médicament sera bien prescrit dans son indication thérapeutique remboursable (ITR).
Quand et comment ce dispositif entrera- t- il en vigueur ?
Il sera mis en application d’ici fin décembre 2024, sachant que la première classe de médicaments visés par ce dispositif seront certainement les agonistes GLP-1 : cemaglutide (Ozempic), dulaglutide (Trulicity), liraglutide (Victoza) et l’éxenatide (Byetta), ceci « pour éviter le mésusage de ces molécules et garantir leur disponibilité pour les patients diabétiques ». D’autres médicaments, mais aussi certaines prescriptions d’examens biologiques et de transports médicaux devraient s’ajouter à cette liste prochainement.
Quelles sont les contraintes pour les médecins ?
On ne peut que relever que ce décret alourdit un peu plus la pratique des médecins, alors qu’ils ont les plus grandes difficultés à faire face aux demandes de soins. La Fédération des Médecins de France reproche d’ailleurs à cette mesure son aspect chronophage et dont le seul but affiché serait de réaliser des économies.
Quelle est votre position en tant que médecin, et présidente du CDOM 95 ?
Le conseil de l’ordre s’interroge sur la question déontologique que pose ce dispositif, qui fait craindre une possible rupture du secret médical. En outre, il est rapporté par certains médecins exerçant dans des secteurs socialement défavorisés (dont on sait qu’ils sont particulièrement concernés par le fléau de l’obésité), qu’ils prescrivent parfois ces traitements à des patients dont le diabète n’est certes pas encore déclaré mais qui souffrent d’obésité morbide, auquel cas ils disent les utiliser comme une amorce à un début d’amaigrissement, associé à des mesures hygiéno-diététiques.
Dans ce type de situation, les conditions socio-économiques des patients ne leur permettent pas de financer ces traitements, ce qui ne permet pas aux médecins de les prescrire en « Non Remboursable ». Ces prescriptions ne semblent pas pouvoir être assimilées à des traitements dits « de confort » pour des patients en simple surpoids, et non DT2 de surcroit. Je veux espérer que les conditions de prescription seront abordées humainement et en lien avec les problématiques individuelles des patients et des médecins prescripteurs par les services chargés de chasser les remboursements indus au titre de l’ITR.
Enfin, se posent les questions de l’accès à internet lors des visites à domicile et des médecins sans carte CPS (remplaçants non thésés). Tous ces points méritent d’être abordés précisément afin de ne pas pénaliser nos confrères dans leur exercice quotidien.