3 questions aux… Dr Sophie Taounhaer,

PH et Chef de service,

et Dr Sylva Boullie,

PH, médecins de l’équipe mobile de soins palliatifs de l’hôpital d’Eaubonne.

Les fondements de la loi Clays-Leonetti vous paraissent-ils suffisants ou pensez-vous qu’il faut en élargir le champ ?

La loi paraît suffisante dès lors qu’elle est connue et appliquée. Elle permet l’accès aux soins palliatifs et la déclinaison des modalités de soins en fin de vie. Encore faut-il que soit déterminé le fait qu’un patient est en situation palliative de sa maladie.  Pour des questions de responsabilité, cette prise de décision est souvent délicate. Par exemple, cette jeune femme au cancer très avancé qui arrive aux Urgences pendant le week end en détresse respiratoire avec des métastases pulmonaires doit-elle être orientée en réanimation ou pas ? Le médecin des Urgences se prononcera rarement sur la situation palliative sans l’aval du médecin référent, alors que dans ce cas, cette jeune femme pourrait bénéficier d’une sédation profonde et continue. Par ailleurs, la loi pourrait être mieux appliquée si l’acculturation des confrères s’améliorait, pour qu’ils craignent moins d’identifier le moment où la vie va prendre fin, permettant ainsi qu’une prise en charge palliative prenne le relais.

Comment répondez-vous aux patients qui expriment une demande de suicide assisté?

Nous leur rappelons bien sûr l’interdiction d’aider les patients à mourir en France ; s’ils ont le projet d’aller en Suisse ou en Belgique, nous ne les en empêchons pas.

Mais ces demandes expriment, la plupart du temps, une détresse physique ou psychique qui s’amende d’elle-même dès lors qu’un traitement permet de les soulager et de retrouver un sens au temps qui reste. C’est souvent la perspective de souffrir avec une durée indéterminée qui est insoutenable. Face aux douleurs réfractaires, le cadre légal permet, quand on sait que la vie finira à court terme, de recourir à une sédation profonde et continue. La loi est très bien faite ; vouloir en étendre le champ à l’euthanasie reflète souvent une vision validiste, c’est-à-dire de projections que font les personnes en bonne santé sur la fin de vie.

Comment fonctionne l’équipe mobile de soins palliatifs d’Eaubonne ?

Elle est composée de deux médecins, deux infirmières à temps plein, deux psychologues, une secrétaire, ainsi que de deux ostéopathes et d’une assistante sociale mutualisés avec d’autres services. Nous suivons les patients au sein des services où ils sont hospitalisés, quand le soin bascule du curatif au palliatif. Lorsque les patients requièrent des soins palliatifs complexes, ils sont orientés vers les unités de soins palliatifs du territoire (Argenteuil et Pontoise), qui disposent de plus de moyens techniques et humains.

Propos recueillis par Nathalie Chahine