Dr Franck Nadjar

Dr Najib El Arbi

médecin spécialisé en chirurgie viscérale.

et Dr Philippe Tollié,

médecin généraliste.

 

« Une aventure à chaque fois inoubliable » Dr Najib El Arbi

« Voilà une quinzaine d’années que je participe régulièrement à ces missions humanitaires. Je compte d’ailleurs y consacrer davantage de temps, à présent que j’ai pris ma retraite et quitté la chefferie du service de Chirurgie viscérale de l’hôpital d’Eaubonne.

Dans toutes les régions reculées du Maroc, éloignées des grandes villes, l’association Sema France organise deux fois par an le déplacement d’équipes d’environ 80 médecins généralistes et spécialistes, d’infirmiers et logisticiens bénévoles. Prochain départ en mai prochain, vers la vallée du Draa ; il manque d’ailleurs quelques médecins pour compléter l’équipe, et j’en profite pour lancer un appel aux candidatures ! Sur place, et pendant huit jours non-stop, les journées sont bien remplies, avec des consultations de médecine générale et dentaire, des interventions de chirurgie viscérale et ophtalmologique. Nous ne sommes pas rémunérés, mais tous les frais sont pris en charge à l’exception du transport en avion. L’hébergement varie, pouvant aller du gymnase à l’hôtel quatre étoiles. Difficile de dire à quel point ces missions sont enrichissantes. Il s’agit à chaque fois d’une aventure qui permet de se rendre vraiment utile, en soignant des populations déshéritées, qui n’ont parfois jamais vu de médecin. Les pathologies rencontrées sont aussi différentes, plus difficiles car souvent anciennes et présentant des formes plus évoluées – dans mon cas, les défis consistent souvent à opérer des hernies importantes, des vésicules, des goitres. J’assure aussi des formations en coelioscopie pour les chirurgiens marocains. La principale difficulté réside dans les imprévus, quand par exemple on découvre un plateau technique déficient, ou que le matériel ne fonctionne pas. Il faut aussi parfois renoncer à une intervention chirurgicale, faute de relais de prise en charge des éventuelles complications, ou d’un service de réanimation.

Mais l’expérience est à chaque fois inoubliable. Le meilleur vient de la reconnaissance des patients, du bonheur qu’on lit dans leurs yeux. A cela s’ajoutent la richesse des échanges avec les confrères, et l’émotion de redécouvrir la beauté du pays où j’ai grandi.»

« On fait vraiment de la médecine, sans se donner bonne conscience » Dr Philippe Tollié

« En novembre dernier, j’ai renoué avec le voyage humanitaire qui m’avait souvent emmené au Sénégal, mais cette fois c’était près de Taroudant au Maroc. Les neuf jours passés sur place avec l’association Sema France ont été très intenses, avec jusqu’à 80 consultations de médecine générale par jour. Assisté d’un interprète, je me déplaçais chaque jour dans des dispensaires de villages où parfois des centaines de montagnards descendus de l’Atlas venaient consulter, et ce parfois pour la première fois.

Cette mission était remarquablement organisée ; on y a vraiment fait de la médecine, sans tomber dans l’écueil de se donner bonne conscience. Le déploiement médical était important, avec quatre chirurgiens viscéraux, quatre anesthésistes, des ophtalmologistes, cardiologues, pédiatres, des infirmières et des bénévoles non médicaux ou para-médicaux. Cette fois, j’ai aussi eu le bonheur que ma femme m’accompagne et m’assiste dans mes tâches quotidiennes. Le meilleur moment ? Je me souviens du sourire émouvant de ces vieillards quand on leur annonce que «makane oualou », (tout va bien). La principale difficulté ? Travailler dix heures d’affilée, et devoir recourir à un interprète. On est aussi parfois découragé quand une pathologie détectée demanderait de procéder à des examens complémentaires et que le laboratoire se trouve trop loin ; la redoutable sensation du coup d’épée dans l’eau…

Mais il y a eu aussi de belles victoires, comme celle de ce patient dont j’avais dépisté un souffle au cœur et qui a pu être opéré dans la ville proche. Aujourd’hui, je n’ai qu’une hâte : trouver le temps dans ma pratique de médecin généraliste pour y retourner ! »

Propos recueillis par Nathalie Chahine