Courrier adressé par le Président du CNOM à Monsieur le Ministre de la Santé et de la Prévention et à Madame la Ministre Déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, sur les évolutions nécessaires que l’Ordre des médecins proposent pour élargir l’offre de soins, répondre aux besoins des patients et accroitre l’attractivité de la profession de médecin.
Monsieur le Ministre, Aurélien ROUSSEAU, Ministre de la Santé et de la Prévention
Madame la Ministre Déléguée, Agnès FIRMIN LE BODO, Ministre Déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé
Paris, le 16 novembre 2023
L’Ordre des médecins entend pleinement contribuer aux enjeux de la situation actuelle de l’offre de soins, en vous soumettant 5 propositions opérationnelles et rapidement réalisables permettant d’améliorer l’accès aux soins mais aussi de répondre de manière simple et efficace à une demande répétée des médecins de diversifier leurs pratiques professionnelles, tout en garantissant la sécurité et la qualité des soins.
L’Ordre des médecins propose des solutions innovantes, modernes et simples à mettre en œuvre afin d’apporter plus de souplesse pour élargir l’offre de soins, répondre aux besoins des patients et accroitre l’attractivité de la profession de médecin.
1. Rétablir la validation des acquis de l’expérience ordinale (VAE) :
Pour les médecins dont les compétences peuvent être reconnues et certifiées, le rétablissement de la VAE ordinale est essentielle, afin de pouvoir accorder un droit d’exercice complémentaire dans une discipline, notamment en addictologie, en maladies allergiques, mais aussi par exemples en médecine palliative, en médecine de la douleur, en médecine du sport…
Jusqu’en 2021, une VAE ordinale et une VAE Universitaire ont permis de valider une compétence équivalente du DESC du groupe 1à de nombreux médecins.
Cependant, depuis l’absence du rétablissement de la VAE Ordinale, il ressort aujourd’hui, que certaines activités, notamment pour la spécialité d’urologie, la primo prescription de nouvelles hormonothérapies, sont refusées car les médecins ne sont pas titulaires d’un titre en cancérologie approprié.
Pour ces raisons, la réouverture des commissions ordinales de validation des acquis de l’expérience, adossées aux Formations Spécialisées Transversales, est urgente.
Elle répondra aux demandes pressantes des médecins, bloqués dans leur exercice, en élargissant ainsi l’offre de soins.
Pour arriver à ce résultat, li suffirait de modifier légèrement le décret (1) et de désigner les membres siégeant aux commissions.
- Débloquer le verrou de l’exercice exclusif d’une spécialité
Si nous comprenons le souhait du Gouvernement de planifier l’accès précoce à une spécialité, cela entraine une rigidité excessive de l’exercice professionnel des médecins. Le modèle existant ne répond plus aux enjeux actuels et à venir.
Il devrait être possible de pouvoir exercer plusieurs spécialités, en fonction des compétences acquises.
Une modification des textes (2) nous semble indispensable pour, dès à présent, débloquer ce verrou de l’exercice exclusif afin de décloisonner l’exercice des médecins et ainsi permettre à des médecins ayant toutes les compétences reconnues d’exercer pleinement selon leurs projets professionnels.
Cette ouverture facilitatrice a une implication prépondérante dans les perspectives d’évolutions professionnelles et de l’attractivité de la carrière du médecin pour rester dans le soin.
- Permettre un exercice complémentaire en dehors de la spécialité :
Un médecin ayant des compétences reconnues, actualisées et certifiées, devrait pouvoir avoir un exercice complémentaire, au sein de sa spécialité comme actuellement, mais aussi sur un projet professionnel identifié en dehors de sa spécialité.
Ainsi un médecin pourrait exercer une activité déterminée dans le cadre d’un nouveau projet professionnel en s’appuyant sur des compétences et des formations universitaires reconnues.
L’Ordre des médecins étant chargé de veiller à la compétence des médecins, li lui appartiendrait d’accorder cet exercice complémentaire au regard d’une formation universitaire, ou bien d’une VAE ordinale.
Un médecin pourrait ainsi exercer en dehors de son plateau technique habituel ou exercer en dehors de sa spécialité dans le cadre d’un nouveau projet professionnel.
Une modification des textes (3) serait nécessaire afin de reconnaître aux médecins, un exercice complémentaire qui permet d’apporter une offre de soins immédiate aux patients.
- Libérer la prescription des médecins :
Un médecin devrait être autorisé à prescrire quelle que soit sa spécialité. Les limites contraignantes actuelles ne permettent pas de répondre aux besoins en santé alors que les médecins ont une compétence reconnue et certifiée dans leur exercice.
Le médecin qui justifie d’une formation et d’une expérience qui lui assurent toutes les compétences requises pourrait prescrire au-delà de sa spécialité.
La place et le rôle du médecin est primordiale dans le soin, c’est pourquoi son exercice doit être reconnu, tant dans son évolution professionnelle que dans le champ de son exercice.
lI est incompréhensible que l’on permette à des professionnels de santé non-médecins de faire des prescriptions sans diagnostic préalable et qu’on le refuse aux médecins qui ont été formés à al clinique, au diagnostic et aux prescriptions, lors des études de médecine.
La réglementation doit être assouplie afin d’atteindre cet objectif, de restaurer une attractivité professionnelle à la profession de médecin dans le but de renforcer l’offre de soins.
- Réguler l’exercice de la « médecine esthétique » :
Une régulation de l’exercice de la « médecine esthétique » s’impose. Il est nécessaire, d’une part, de mettre en place une formation universitaire ouverte aux seuls médecins, au-delà des médecins dont la spécialité comprend une formation et permet cet exercice (par exemple la chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique).
Cette formation sera reconnue par l’Ordre des médecins, pour assurer la compétence des médecins qui souhaitent exercer cette activité en complément de leur activité habituelle.
D’autre part, il est indispensable de mettre en place une validation des acquis de l’expérience afin de reconnaitre le droit de poursuivre cette activité aux médecins qui ont toutes les compétences nécessaires.
Cette reconnaissance par l’Ordre se fera soit par la formation universitaire, soit par une VAE et cette information devra être accessible pour les patients.
Face aux défis des complications et à certaines dérives au regard de la « médecine esthétique » l’Ordre des médecins appelle à la création d’une pratique réglementée, notamment par une formation universitaire ouverte aux seuls médecins et à une reconnaissance via une VAE ordinale pour les médecins qui ont toutes les compétences nécessaires pour exercer cette activité.
L’Ordre des médecins se positionne ainsi comme partenaire de plusieurs améliorations concernant l’exercice de la médecine, pour le bien-être de la profession, son attractivité et l’accès aux soins pour l’ensemble de la population.
L’Ordre des médecins réaffirme, par ailleurs, sa confiance dans les médecins qui assument leurs responsabilités dans des conditions parfois difficiles et qui souhaitent évoluer dans leur exercice professionnel.
Restant à votre disposition pour échanger davantage avec vous sur ces sujets primordiaux, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, Madame la Ministre Déléguée, à l’assurance de ma haute considération.
Docteur François ARNAULT
(1) Décret °n 2012-637 du 3 mai 2012 relatif aux conditions dans lesquelles les docteurs en médecine peuvent obtenir une extension de leur droit d’exercice dans une spécialité non qualifiante
(2) Arrêté du 30 juin 2004 portant règlement de qualification des médecins / Arrêté du 4 septembre 1970 portant approbation du règlement relatif à la qualification des médecins établi par le Conseil national de l’ordre / Inscription du médecin dans la spécialité Article L4131-1 du code de la santé publique / Article L632-4 Code de l’éducation
(3) Article R632-22 du code de l’éducation