3 questions au… Dr Béatrice Goutte,

responsable de l’USMP (Unité Sanitaire en Milieu Pénitentiaire) CH-Novo de la maison d’arrêt d’Osny.

Médecin pénitentiaire, une vocation particulière

Zoom sur un pan d’activité méconnu de la médecine générale, où les opportunités de carrière sont nombreuses.

Comment devient-on médecin pénitentiaire ?

En ce qui me concerne, ce choix découlait à la fois de propositions qui m’ont été faites, et d’une envie de challenge. Mon parcours est celui d’une généraliste, ayant d’abord exercé à la fois en ville, aux urgences, à la Permanence d’Accès aux soins de santé et au sein d’un service de psychiatrie. Je pense que devenir médecin pénitentiaire peut apporter de grandes satisfactions aux praticiens expérimentés, rompus à l’examen clinique, ayant suffisamment d’aplomb pour ne pas se laisser intimider par les détenus et les avocats – l’une des difficultés de notre exercice est de résister à l’instrumentalisation de la médecine, notamment aux pressions pour délivrer des inaptitudes à l’incarcération. Sur le plan statutaire, je suis PH à l’hôpital de Pontoise, responsable de l’USMP (unité sanitaire en milieu pénitentiaire) CH-Novo et rattachée au pôle de psychiatrie.

Ce service fonctionne-t-il de manière particulière ?

Située au milieu de la maison d’arrêt d’Osny, l‘USMP a une patientèle de quelque 900 détenus. Les locaux de 180m2 hébergent des bureaux de consultations, une salle d’attente, une salle de radiologie, un cabinet dentaire et des salles de soins infirmiers. Deux médecins PH à temps plein chapeautent la structure – en théorie, car j’exerce seule depuis 2017, ! – avec une équipe (dentiste, psychiatres, ophtalmo, spécialiste du VIH et dermatologie, psychologues, infirmiers, cadre de santé, préparatrices en pharmacie, pharmacien, manipulatrice en électro radiologie, secrétaires).

Le but est qu’un maximum de soins soit effectué sur place. Les patients ? Ce sont les mêmes qu’à l’extérieur. Ils étaient en liberté avant d’entrer en prison, et le seront après leur libération. Il faut dédramatiser le sujet ! Aux pathologies usuelles, le séjour carcéral ajoute néanmoins une majoration des troubles anxieux et dépressifs, du risque suicidaire et des faits de violence.

Quels sont les difficultés et les avantages de votre métier ?

Je dirais que la pénurie médicale nous touche encore davantage, ce qui expose à une surcharge de travail conséquente. Au quotidien, il faut aussi parfois essuyer des agressions verbales. Mais ce métier est vraiment passionnant. Il permet de travailler de façon très autonome. Prendre en charge un maximum de pathologies par nous-mêmes, les examens complémentaires à l’extérieur n’étant pas simples à organiser, enrichit la pratique. Certains patients n’ont jamais consulté avant d’entrer en prison, et il nous arrive donc de dépister des maladies chroniques ou auto-immunes, ce qui est très gratifiant. En conclusion, la richesse de la clinique et du travail ne me donne pas envie d’aller exercer dans un autre milieu. Et avec deux nouvelles structures qui ouvrent cet automne à Osny – des lits en semi-liberté de 30 places et une SAS (structure d’accompagnement vers la sortie) de 150 places, je ne risque pas de m’ennuyer ! La note d’espoir est la demande de mutation d’un confrère de province pour début janvier. 

Propos recueillis par Nathalie Chahine