3 questions à … Bruno Philippe, pneumologue

Chef de Pôle au centre hospitalier de Pontoise, responsable de la MPSAT de formation en Education Thérapeutique

En quoi consiste l’éducation thérapeutique du patient ?

L’ETP consiste à recenser les compétences du patient vis-à-vis de sa maladie pour le rendre le plus autonome possible sur le plan médical, social et psychologique. Cette approche développée initialement en diabétologie, est devenue incontournable pour de nombreuses pathologies chroniques en pneumologie, en santé mentale, en rhumatologie, en neurologie. Elle repose sur le constat que les médicaments n’offrent qu’une partie de la réponse thérapeutique. Face à des maladies lourdes à vivre, la démarche de soins doit aussi prendre en compte l’environnement social, l’entourage, les personnes ressources, et offrir un espace d’écoute où le patient peut s’exprimer, prendre son temps.

Qu’est-ce qu’implique cette démarche pour le praticien de santé ?

Dans l’acronyme ETP, le P désigne autant le patient que le praticien ; les deux parties apprennent en effet l’une de l’autre, dans un échange gagnant-gagnant. Parmi les soignants, les médecins sont les derniers que j’arrive à convaincre. L’ETP les bouscule. J’observe que beaucoup ont du mal à remettre en question leurs pratiques. A prendre le temps nécessaire pour glaner les informations qui modifieront des certitudes, des prescriptions inadaptées. 

Ce que préconise l’ETP, c’est de passer de la prise en charge à la prise en compte : un glissement de sens et de posture aussi enrichissant que bénéfique pour tous.

Cette approche qui semble avoir le vent en poupe est-elle soutenue par les pouvoirs publics ?

Ce n’est pas mon impression. Je n’ai bénéficié pour ​l’instant que d’un budget d’amorçage accordé par l’ARS Ile de France pour lancer l’an dernier une MPSAT (Maison de Prévention en santé et d’accompagnement thérapeutique) et développer l’usage de l’éducation thérapeutique. Néanmoins cela ne permet pas d’avoir la visibilité à moyen et long terme nécessaire pour convaincre et continuer de motiver les patients demandeurs et les acteurs de santé impliqués dans le programme. Avec une assise juridique hospitalière, cette structure met en place des ateliers de formation hors les murs, en collaboration avec les praticiens en ville. Nous sommes en phase de démarrage, avec deux à trois ateliers par mois, et réunissons une trentaine de personnels de santé, pour moitié libéraux et moitié hospitaliers. L’animation d’ateliers d’ETP nécessite une formation de 40H ​qui dépasse le cadre de la DPC : trouver les fonds pour permettre à tous les médecins libéraux qui le souhaitent d’en bénéficier est donc notre mission la plus urgente.